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  • Photo du rédacteurEmma Fourreau

Le mouvement #MeToo : de nombreuses dénonciations, mais peu de condamnations

Dernière mise à jour : 17 janv. 2020

Le cinéaste français Christophe Ruggia a été placé en garde à vue, lundi 13 janvier. Ce placement intervient près de trois mois après la plainte de l'actrice Adèle Haenel, qui l'accuse de « harcèlement sexuel permanent » et « d'attouchements répétés ». Si cette affaire aboutit, elle sera la première grande condamnation française, trois ans après le début du mouvement #MeToo.


La mise en garde à vue de Christophe Ruggia marque une première dans le monde du cinéma français. Photo François Guillot/AFP


Depuis 2017, ce mouvement - créé par Tarana Burke et relancé par Alyssa Milano - a permis à des milliers de femmes de dénoncer leurs agresseurs. Depuis 2017, les systèmes judiciaires de différents pays ont permis à de nombreux agresseurs d'échapper à toute sanction. Ainsi, si le mouvement a eu un impact sur la dénonciation de toutes les formes de violence envers les femmes, peu de condamnations permettent de constater un effet concret.


Luc Besson, Brett Kavanaugh, Kevin Spacey, Matt Lauer, James Franco ou encore Patrick Bruel. Toutes ces personnalités ont été accusées par plusieurs personnes de harcèlement sexuel. Aucune de ces personnalités n'a été condamnée ; parfois par manque de preuves, parfois par manque de justice.


En trois ans, il y a eu plusieurs actions pénales, comme pour Jean-Claude Arnault, condamné à deux ans et six mois de prison en décembre 2018 pour deux viols. Elles restent toutefois peu médiatisées en comparaison de l'ampleur du mouvement. Seules trois affaires ont dépassé les deux mois de médiatisation, ce qui leur confère un caractère symbolique : la condamnation de Bill Cosby, l'affaire Harvey Weinstein et la révélation sur Christophe Ruggia.


La mise en garde à vue de Christophe Ruggia


C'est avec une enquête de Mediapart que tout commence. Le 3 novembre 2019, Adèle Haenel accuse le réalisateur français de l'avoir harcelée sexuellement sur le tournage du film « Les Diables » alors qu'elle n'avait que 13 ans. Elle déclare avoir été victime de ce qu'elle considère « clairement comme de la pédophilie et du harcèlement sexuel ». Âgée de 31 ans, l'actrice a ensuite porté plainte contre Christophe Ruggia, les faits n'étant pas prescrits.

Deux jours après cette déclaration, le parquet de Paris a annoncé l'ouverture d'une enquête des chefs « d'agressions sexuelles sur mineure de 15 ans par personne ayant autorité » et de « harcèlement sexuel ». Suite à cette enquête, le réalisateur a été placé en garde à vue, lundi 13 janvier. Garde à vue qui a été prolongée dès la fin des 24 heures réglementaires.


Si la suite de cette affaire est encore incertaine, une chose est sûre : elle a permis de changer les choses dans le monde du cinéma français. Elle intervient dans un contexte tendu où deux écoles s'affrontent. La première reste souvent silencieuse face à ces polémiques et la deuxième exprime son soutien aux agresseurs. Une des pionnières de cette deuxième école est Catherine Deneuve, notamment avec une tribune intitulée « Nous défendons une liberté d'importuner, indispensable à la liberté sexuelle » et signée par plus de cent femmes.


Lors de cette affaire, une troisième école a commencé à se former : ceux qui soutiennent Adèle Haenel. Isabelle Adjani, Marion Cotillard ou encore Flavie Flament, des célébrités françaises se sont exprimées en faveur de la libération de la parole et du mouvement #MeToo.


Cette accusation reste, à ce jour, la seule qui a réussi à faire trembler le monde du cinéma français, souvent impassible face à ces accusations. Elle marque un tournant pour la France, car personne ne se rappelle des autres affaires.


Le procès de Harvey Weinstein


En octobre 2017, le New York Times rapporte qu'une douzaine de femmes accusent Harvey Weinstein, alors producteur de cinéma américain renommé, de harcèlement sexuel, d'agression sexuelle ou de viol. À la suite de ces accusations, de nombreuses autres personnalités féminines de l'industrie du cinéma accusent Weinstein de faits similaires. Léa Seydoux, Asia Argento, Cara Delevingne, Judith Godrèche, Gwyneth Paltrow ou encore Emma de Caunes : de nombreuses célébrités vont dénoncer les actes du réalisateur. Weinstein va démentir chacune de ces accusations. Ces dénonciations massives vont conduire à la création du mouvement international #MeToo.

Infographie Emma Fourreau

Après un an et sept mois de mise en garde, le procès de l'ancien producteur de cinéma s'est ouvert, à Manhattan, lundi 6 janvier. Il va être jugé pendant six semaines pour deux chefs d'accusation: viol et agression sexuelle, respectivement en 2013 et 2006. Accusé par 90 femmes depuis son arrestation en 2017, seuls deux cas ont été retenus par manque de preuves physiques. Ce procès est crucial pour les femmes du mouvement #MeToo, qui espèrent de lourdes sanctions pénales contre l'homme avec qui tout a commencé.


Celui qui se considère comme « un des pionniers de la promotion des femmes à Hollywood » dans un entretien accordé au New York Times peut perdre la seule chose qui lui reste dans ce procès : sa liberté. En effet, il est poursuivi pour des crimes sexuels du premier degré commis avec une circonstance aggravante. En cas de condamnation pour toutes ces charges, l'ancien producteur risque la prison à vie.


La condamnation de Bill Cosby


Si Harvey Weinstein a été celui qui a provoqué la création du #MeToo, Bill Cosby est celui qui l'a rendu concret. Il a été inculpé, le 30 décembre 2015, pour agression sexuelle aggravée sur Andrea Constand. Entre 2015 et 2018, une cinquantaine de femmes ont accusé le comédien des mêmes faits. En juillet 2015, trente-cinq femmes ont même posé en Une du New York Magazine en accusant publiquement Bill Cosby de les avoir droguées et violées dans les années 1960 jusqu’aux années 2000.

Andrea Constand étant la seule pour laquelle les faits n'étaient pas prescrits, elle est la seule à avoir porté plainte. Selon une enquête, l’acteur lui avait fait prendre des pilules qui l’avaient immobilisée avant de s’en prendre à elle en 2004. Il a reconnu les faits. Après un procès de deux semaines, Bill Cosby a été condamné à une peine de trois à dix ans de prison et à un placement immédiat en détention.


En conséquence, il sera inscrit, à vie, sur le registre des prédateurs sexuels violents de Pennsylvanie. Cela signifie qu'il devra suivre une thérapie mensuelle et se présenter aux autorités chaque trimestre jusqu'à la fin de sa vie. Son nom sera inscrit au registre des délinquants sexuels et transmis à ses voisins, aux écoles et aux victimes. Cette condamnation est donc la première victoire pénale des femmes du mouvement #MeToo. Elle aura toujours une importance symbolique.


Même si ces trois affaires sont symboliques et importantes pour le mouvement, il reste encore de nombreux obstacles à surmonter. 90% des plaintes déposées pour viol ou harcèlement sexuel sont classées « sans suite » par les autorités. Le combat n'est donc pas terminé et beaucoup d'actions doivent être mises en place pour que, un jour, les femmes soient écoutées pour une autre raison que leur célébrité.


Emma Fourreau

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